Doit-on se soucier du poids des femmes grosses?

Les sociétés Africaines ont longtemps prôné l’épaisseur du corps des femmes comme étant l’un des principal critères de beauté. Une femme grosse est une femme prospère, jolie et admirable. Par leurs bourrelets, qui sont signe d’opulence et de longévité, les femmes grosses deviennent la représentation physique du mot féminité.

La Mauritanie est un pays qui a longtemps été pointé du doigt puisqu’il avait pour pratique de gaver les petites filles, dès le plus jeune âge, pour qu’elles grandissent en ayant des corps volumineux supposés les rendre plus attirantes selon la tradition. Dans d’autres pays tels que le Cameroun, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Bénin, le Sénégal, le Niger, ou encore la R.D.C, des femmes adultes ingurgitaient toutes sortes d’ingrédients, du plus inoffensif au plus nocif, dont la mission était de les engraisser pour les rendre plus désirables aux yeux des hommes.

Depuis quelques années, on peut constater que plus personne ne trouve de côté glamour à la grosseur, l’influence occidentale s’est installée dans les mentalités (chose qui se peut se justifier par le manque de représentation de personnes grosses sur les écrans Tv entre les années 1980 et 2010).

Les femmes noires veulent un ventre plat et cela demeure compréhensible lorsque l’on sait comment sont décrites les femmes noires grosses dans le nombre infime de films où elles sont présentes. Les femmes noires grosses sont toujours caricaturées et perçues comme méchantes, aigries, insultantes, violentes ou encore jalouses (notons que c’est également la représentation des femmes noires minces dans le cinéma, mais la stigmatisation est plus accentuée pour les femmes noires grosses).

« Norbit » sorti en 2007

 

« Big mama » sorti en 2000
« Precious » sorti en 2009

La facilité d’intégration de toutes les injonctions à la minceur, a produit un phénomène que l’on avait encore jamais vu chez les noir-es, la grossophobie.

La grossophobie consiste à diaboliser les personnes grosses, à les évincer de tous les espaces, et à leur faire entendre, en faisant usage d’une fausse bienveillance qui se soucierait de leur santé, qu’elles doivent absolument maigrir si elles veulent être accepté-es.

La grossophobie fait croire que l’obésité est la maladie de la volonté et qu’une personne motivée peut se lever et maigrir si cela est son souhait. Elle incite également à penser que les personnes grosses sont des êtres irresponsables, fainéants, dépourvus de toute énergie, précaires à l’hygiène douteuse et, en plus de cela, incroyablement moches. Ces préjugés posent problème tout simplement parce que, la grossophobie étant une discrimination systémique, les personnes grosses se voient rejetées par toute la société (difficultés à trouver un emploi car elles ne correspondent pas à l’image de l’entreprise, difficultés à trouver une place où s’asseoir dans les lieux publiques pour certaines, difficultés à s’habiller dans les magasins où leur taille est parfois inexistante, etc).

Dans un de leurs documentaires, la chaîne Arte a démontré que ce n’était pas tant les personnes grosses qui étaient incapables de contrôler leur appétit, mais plutôt une industrie qui tente de stranguler les personnes les plus pauvres. Lorsque l’on se rend au supermarché, on peut rapidement constater que les aliments les plus sains sont les produits les plus chers. Les familles précaires et celles issues de la classe moyenne, favoriseront davantage les produits à forte teneur en sucre et en gras puisqu’ils demeurent être les plus abordables.

En suivant le reportage « un monde obèse », on comprend facilement que les personnes grosses ne sont pas en plus mauvaises santé que les personnes minces qui se nourrissent essentiellement d’aliments transformés (Rajoutons que les grosses ne passent pas leur temps à manger de la junk food).

La santé des femmes grosses n’est pas à surveiller de plus près que la santé des femmes minces. Être grosse ne signifie pas être mal en point. Pour certaines personne, il faut tenir compte du facteur génétique qui donne une certaine corpulence selon l’hérédité. D’autres personnes sont grosses parce qu’elles souffrent de troubles du comportement alimentaire qui peuvent être synonyme de mal-être et dans ce cas là, leur faire comprendre par toutes les façons qu’elles sont trop grosses, n’est pas la solution.

En 1990, le spécialiste de l’obésité, Arnaud Basdevant, insistait sur le fait que se priver de nourriture faisait grossir et en 2018, Le Figaro annonçait que dans 95% des cas, les régimes hypocaloriques sont des échecs. Sur 100 individus ayant suivi un régime alimentaire restrictif, 95 reprennent tout le poids perdu en moins de deux à cinq ans. 

Il a également été prouvé que le sport n’est pas la solution miracle contre l’obésité. Sur youtube ont peut voir de plus en plus de femmes grosses, parfaitement à l’aise dans leur corps, qui bougent, sautent, dansent, et font du yoga comme des personnes minces et ne maigrissent pas(la preuve en image et encore ici).

Draya Michele et Lizzo

Le dimanche 12 avril 2020, le célèbre producteur et rappeur connu sous le nom de Diddy, avait organisé un direct sur son compte instagram où il invitait d’autres célébrités à venir danser, de manière virtuelle, avec lui et sa famille. Tout ceci avait pour but de récolter des fonds pour le personnel hospitalier de New-York qui connait une grande pénurie.

Lizzo, faisant partie des chanteuses en vogue du moment, avait été invitée par Diddy et ses fils à les rejoindre sur le live instagram. La jeune femme emportée par la musique, s’est mise à twerker et a directement été arrêtée par le producteur qui lui fit comprendre que pour la fête de pâcques, il fallait que l’ambiance reste familiale (clique ici pour voir la vidéo). Quelques minutes plus tard, c’est le modèle et actrice Draya Michele qui accepta l’invitation de Diddy. Sans avoir pris note des remarques qui avaient été faites à Lizzo au préalable, elle twerka sans interruption et ce, sous le regard admiratif du producteur.

Ces doubles standards s’expliquent par le fait que les femmes grosses sont beaucoup plus sexualisées que les femmes minces. Un grand nombre d’hommes ose affirmer que passer la nuit avec une grosse fait parti de leur liste de fantasmes. Une femme grosse qui twerk, une femme grosse en bikini ou en lingerie est vulgaire, tandis qu’une femme mince qui twerk est sexy mais reste respectable (selon les situations). Cette différence de traitement se constate aussi dans les barres de commentaires instagram, lorsque Lizzo poste une photo dénudée, ses abonnées l’assimileront immédiatement à la campagne body positive en insistant sur le fait qu’elle cherche de l’attention, mais lorsque Ari Kyle (qui est une femme mince) postera une photo en lingerie fine, elle se verra congratuler par les foules.

Pour un grand nombre de personnes, une femme grosse n’a pas le droit de se trouver sexy, elle doit avoir honte de son aspect. Si elle doit assimiler une quelconque fierté à son corps, c’est qu’elle fait du sport à côté, et dans ce cas là, on dira qu’elle s’assume. Mais que doit-elle assumer? Le verbe « assumer » renvoie à une chose négative qui aurait été commise dans l’erreur, donc encore une fois on incrimine les grosses pour le simple fait d’exister.

Avant Lizzo, dans les années 1990 à 2000, il y avait une autre femme, noire, grosse, célèbre, et très médiatisée, Kelly Price. Contrairement à Lizzo, Kelly Price n’a pas connu le même élan de violence envers sa personne car c’était une femme grosse que la société considérait comme étant acceptable. Toujours couverte avec de gros vêtements amples, un corps caché qui faisaitt comprendre qu’elle ne voulait pas gêner. Pour continuer la comparaison, au-delà du physique, les chansons de Lizzo déclarent bonheur, assurance, sérénité et diabolisations des insécurités, tandis que les chansons de Kelly Price racontaient toujours l’histoire d’une femme attristée à qui l’on a brisé le cœur…

Cet article n’a pas pour but de faire l’apologie de l’obésité, mais simplement de faire comprendre à tout le monde qu’il faut arrêter de policer des personnes n’ayant commis aucun crime. Les femmes noires doivent réapprendre à aimer leur corps et ce n’est pas qu’un problème de femmes grosses. Des femmes maigres s’empoisonnent avec des produits tels que Apétamin pour entrer dans les critères de beauté des noir-es, tout cela parce qu’elles entendent constamment des réflexions qui les comparent à des os. Il n’existe pas de corps idéal de la femme, tous les corps sont à valoriser et c’est cette variété qui fait la richesse de cette terre. Arrêtons les comparaisons mal placées !

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