- Ntumba Matunga
- 28 mai 2020
- 17:22
Le 28 mai est une date qui, depuis 2014, tente de sensibiliser sur la politisation du sang menstruel. Les règles sont-elles encore synonyme de honte? Peut-on prétendre aujourd’hui avoir réussi à faire valoir l’importance de conscientiser sur les questions concernant les menstrues? Est-ce un sujet important?
Dans beaucoup de familles noires, lorsqu’une fille a ses premières règles (entre 8 et 15 ans, leur apparition diffère d’une fille à une autre) il lui sera soumis qu’elle n’est plus une enfant, que son comportement doit changer et qu’il y a certaines choses qu’elle ne pourra plus faire comme avant. Cette période, pour les filles est une forme de maturation imposée, elles sont désormais des femmes ayant l’obligation de se montrer responsables.
Cette responsabilisation des jeunes filles est problématique lorsque l’on sait que dans des cultures ancestrales, la seule raison pour laquelle on faisait croire à ces dernières qu’elles étaient adultes, n’était rien d’autre que la légitimation de mariages forcés banalisant la pédophilie. De nos jours, bien que la majorité ne soit pas concernée par cette thématique, la légende de la petite fille métamorphosée en femme à l’apparition de ses règles, se perpétue et rejoint la pensée qui indique que les filles sont plus matures que les garçons. Des légendes qui se répètent de générations en générations et qui omettent d’expliquer que les filles sont forcées à mûrir plus vite et que par la même occasion, on commencera à leur donner plus de responsabilités à cette période-là. La puberté modifie le corps des filles, mais en aucun cas elle ne transforme ces dernières en femmes. Il est important de respecter la croissance physique mais aussi émotionnelle et psychique des filles noires car la précipitation de ce passage qui est censé se faire naturellement ne crée que des frustrations et des questions sans réponses dans la tête de ces jeunes filles qui grandissent en étant incomprises.

En plus de se voir administrer le statut de femme adulte, ces jeunes (pré-)adolescentes, ont souvent le devoir de raser les murs en période de règles. On leur fait comprendre qu’elles doivent se montrer discrètes en abordant ce sujet, faire bien attention de ne jamais laisser transparaître aucune tache de sang, et ce, surtout en présence masculine !
Par ce fait les jeunes filles se voient honteuses lorsque l’écoulement de leur sang se fait ressentir à un moment qu’elles n’avaient pas planifié. Ce sujet est loin d’être sans importance quand on sait que l’année dernière une jeune écolière Kenyane de 14 ans s’est donnée la mort après avoir été humiliée par son professeur pour une tache de sang sur les fesses.
Ajouter l’inconvénient de la gêne à celle de la douleur ressentie pendant les règles renforce les complexes que les jeunes filles peuvent rencontrer dans leur adolescence, elles ne sont pas à l’aise avec leur corps et peuvent même aller jusqu’à penser qu’elles ne sont pas normales et qu’elles sont vouées à rester cachées constamment.

Le nombre conséquent de filles et de femmes n’ayant pas les moyens de s’offrir des protections hygiéniques, prouve que leur coût est encore beaucoup trop onéreux. La société ne prend pas en considération les besoins naturels des femmes, et les institutions comme les entreprises ont encore du mal à mettre, à notre disposition, des protections hygiéniques dans les toilettes. Ce peu d’intérêt pour les femmes montre un sexisme qui indique que tout ce qui subsiste dans le monde professionnel a été pensé pour les hommes uniquement.
Les menstrues touchent la majorité des femmes du monde entier, nous ne choisissons pas de les avoir et parce que ce n’est pas un choix de notre part, il serait légitime d’obtenir la gratuité des protections hygiéniques ou alors de penser à diminuer leur prix de vente. D’autant plus qu’il a été démontré que la toxicité des protections hygiéniques mène à la mort. Doit on payer pour mourir? Je ne parle même pas de la manière dont les douleurs menstruelles sont minimisées et combien les femmes et les filles souffrant d’endométriose sont accusées d’exagérer leurs douleurs !
Actuellement, on voit beaucoup de femmes critiquer les féministes blanches qui se peinturlurent le visage avec le sang de leurs règles, et j’avoue que je ne m’adonnerai jamais à ce genre d’activité, mais je comprends que leur démarche est de banaliser le sang menstruel qui est jugé sale. On trouve toujours le moyen d’imager le sang des règles d’une manière qui l’éloigne totalement de son état, alors qu’il n’y a aucune gêne à montrer des scènes de cinéma représentant la guerre où des personnes sont décapitées et dont le sang gicle de partout.
Nous ne devons plus être gênées ou ressentir l’obligation de chuchoter que nous sommes dans notre période parce que c’est naturel. Je ne dis pas qu’il faut le crier sur tous les toits mais juste que nous ne devrions pas en avoir honte. Toutes les toilettes publiques devraient disposer de serviettes hygiéniques dans les cas d’irruption sanguine inattendue, parce que toutes les femmes (et pas que les femmes d’ailleurs) peuvent se retrouver dans une situation où elles n’ont rien sur elles qui puisse protéger leur culotte (que ce soit par simple oubli ou pour une question financière). Les femmes existent et elles méritent de voir les protections hygiéniques accessibles pour toutes et partout.
Ce sujet reste encore très tabou et il faudra plus de temps qu’on ne le croit pour parvenir à nous déconstruire sur la question.
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