- Ntumba Matunga
- août 9, 2020
Depuis quelques années des militantes et des travailleuses du sexe (TDS) tentent de faire entendre que le travail du sexe est une profession comme une autre qui mérite d’être réglementée et considérée. Par ces femmes, nous avons appris que prostitution ne rime pas forcément avec contraintes et que des femmes se sentent parfaitement libres en excerçant ce métier. Elles sont également parvenues à détruire le cliché laissant croire que la clientèle était uniquement composée d’hommes voulant les dominer dans la continuité du patriarcat, et en lisant un article de la Libération on peut facilement déconstruire les idées reçues qui tournent autour de la prostitution.
Malgré un éveil commun qui pousse à se débarrasser de la misogynie et des critères de respectabilité féminine, nous ne pouvons nier que des femmes noires subissent intolérablement les supplices de la profession prostitutionnelle. Depuis les prémices impérialistes, les corps des femmes noires sont assimilés à un fuselage sans âme destiné à fournir aux sociétés capitalistes un approvisionnement régulier en identités serviles. La déshumanisation des femmes noires émanant du mépris de race profite aux autres collectivités qui, par ce biais, pourront imposer leur domination. En raison de ce rapport de pouvoir, l’éventualité que des femmes Africaines et Afro-descendantes puissent s’insurger en dénonçant leur souffrance ,même exprimée dans un soupir étouffé, est automatiquement expurgé.

Il a été vu que en Afrique et dans les Caraïbes les jeunes filles et femmes issues des classes les plus pauvres n’ayant aucune rentrée d’argent leur permettant d’avoir accès à une éducation, étaient plus susceptibles de finir dans les rues à la recherche de clients (locaux ou non) à qui elles pourraient vendre leurs services. Ces territoires prisés par les Occidentaux pour le tourisme sexuel, voient chaque année le nombre de travailleuses-eurs du sexe augmenter (nombre comprenant également des personnes mineures). Dans leur détresse, elles sont nombreuses à se laisser attendrir par des discours accrocheurs leur promettant une vie meilleure de l’autre côté de l’océan. Des promesses murmurées par des touristes, des pasteurs charlatans ou encore des hommes du pays ayant connaissance de l’amoncellement d’argent qu’ils pourraient générer en enrôlant de nouvelles recrues dans l’organisation clandestine florissante qu’est le trafique humain. Des femmes et des jeunes filles sont ainsi, quotidiennement expédiées vers la Suisse, la Belgique, la France, l’Italie, les Pays-Bas, les Royaumes-Unis et les Etats-Unis, pour assouvir les besoins des hommes blancs. Un article de France TV info explique comment de jeunes Nigérianes sont conduites vers la France en pensant accéder à un niveau de vie confortable, loin de s’être imaginées l’imposition du travail du sexe, celles-ci se voient désormais asservies.

On peut observer que le même procédé est établi pour l’Inde mais, contrairement aux autres pays, cette exploitation humaine profite financièrement et physiquement aux hommes Africains. Des femmes à qui l’on fait croire qu’elles seront aide-ménagères en Inde, finissent travailleuses du sexe pour les expatriés Africains résidant dans le pays.
Ceci prouve que les femmes noires sont victimes d’oppressions à sources multiples. Les hommes Africains et Afro-descendants tiennent quotidiennement des discours persuasifs pour combattre la négrophobie systémique mais dans le même temps, ils refusent de tenir rigueur de la misogynie et tous ses méfaits. Pourtant ce sont des personnes qui ont parfaite connaissance de l’humiliation qui subvient après la négation de leur humanité mais il semblerait qu’ils ne parviennent pas à réaliser qu’ils utilisent exactement les mêmes mécanismes pour affaiblir les femmes et les minoriser. L’Inde est un pays foncièrement négrophobe où même les Indien-ne-s à la peau foncée sont victimes de colorisme, et malgré ce rejet étatique, des hommes noirs entreprennent des relations sexuelles avec des femmes noires qu’ils savent esclaves…

Au Liban, le Slate rapporte que 250 000 femmes Africaines seraient esclaves à Beyrouth dans des familles bourgeoises. Les femmes qui s’envolent pour le Liban ne sont pas induites en erreur pour ce qui concerne la nature de la profession qu’elles exerceront sur place, néanmoins, pour la majorité, il était convenu qu’une rémunération serait versée en échange du travail domestique effectué. Seulement, certaines ne voient jamais la couleur de leur argent, leurs employeurs imposent des restrictions de sorties et d’appels téléphoniques, les moins chanceuses seront victimes de viols et d’agressions physiques sur leur lieu de travail.
Rappelons aussi que cette année, le 13 mars 2020, une jeune Ghanéenne nommée Faustina Tay était retrouvée morte, sauvagement assassinée par ses employeurs Libanais.
Que ce soit pour le travail du sexe ou le travail domestique, toutes ces femmes Afro-descendantes et Africaines expédiées dans ces divers pays (Italie, France, Belgique, Suisse, Pays-Bas, USA, UK, Inde, Liban, Libye) sont victimes de maltraitances physiques et morales. Leurs tortionnaires font usage du chantage et de l’intimidation pour les garder productives dans le domaine imposé. Leur passeport leur est arraché à leur arrivée et une rançon leur est demandée pour le récupérer. Les proxénètes des travailleuses du sexe leur présentent des drogues dans le but de créer une hyper-dépendance qui les lierait continuellement. On observe également des inégalités raciales dans les deux domaines d’exploitation, les femmes noires perçoivent des revenus inférieurs à ceux des autres femmes, elles ont également plus de chance de contracter des maladies sexuellement transmissibles car les hommes qui les brutalisent sont peu enclin à entreprendre un rapport sexuel protégé. Les femmes refusant de se plier aux ordres, sont sujettes à des féminicides gardés sous silence. Des associations s’organisent pour libérer ces femmes de cette emprise meurtrière, seulement le démantèlement de ces réseaux clandestins n’est pas simple à mettre à jour, n’oublions pas que la prostitution est légalisée dans la plupart de ces pays et que par conséquent, cette profession participe au développement économique de l’état qui prélève, sur le salaire des TDS, des impôts ou des taxes (voir article: la législation sur la prostitution à travers le monde).
Récemment, un article du Guardian nous apprenait que pendant le confinement, en Italie, les TDS noires étaient livrées à elles-mêmes, abandonnées par leurs proxénètes ! Par manque de clients et d’argent, ces dernières se retrouvaient dans l’incapacité de s’approvisionner en nourriture. Elles sont restées affamées dans leur refuge pendant des semaines entières.
L'hypersexualisation des femmes noires dans le Hip Hop Américain

Le colorisme, stigmate colonial encore présent dans les communauté noires, conditionne les personnes noires à s’enfermer dans un prisme qui les pousse à détester l’apparence des femmes noires foncées. Bon nombre de personnes s’accorde à dire qu’il faut dissocier politique et artistes, mais il n’existe rien de plus politisé que la musique et on le voit quotidiennement. Les artistes sont de véritables influenceurs qui parviennent à rependre une idée ou un mouvement, et à convaincre les foules d’y adhérer. N’est-ce pas là les caractéristiques d’un-e leader? Lorsque les artistes présentent un visuel comportant des femmes noires, les plus claires jouent le rôle de la jolie femme à convoiter, tandis que les plus foncées (si elles sont présentes) endossent un rôle passif où elles illustrent une avidité sexuelle que l’on peut constater par les tenues choisies ou par les postures corporelles empruntées. En utilisant ces schéma, les artistes perpétuent le colorisme, mais aussi l’hypersexualisation des femmes noires qui voit sa source à l’époque du commerce triangulaire où les femmes noires étaient systématiquement violées. Avec ce schéma les artistes s’accordent avec les fondements sociétales qui dépersonnalisent les corps des femmes noires et les rattachent à la servitude.
Les artistes féminines noires mises en avant, sont souvent les plus claires, mais claires comme foncées, elles sont instrumentalisées par l’industrie musicale qui optera toujours pour une image sensuelle et rebelle. Certaines diront que le féminisme voue une grande admiration pour les femmes qui se dénudent sans prise de tête afin de combattre les injonctions de respectabilité et la sexualisation déplacée des corps des femmes, et moi je dirai que cette action (qui est juste et légitime) n’est en rien valable pour ce cas précis, car les femmes noires sont représentées nues ou dénudées depuis la nuit des temps.


Il y a de ça deux jours, les rappeuses Cardi B et Megan Thee Stallion dévoilaient leur dernier morceau intitulé W.A.P.(wet ass pussy = chatte mouillée), il semblerait que cette chanson soit une réponse à un mouvement féministe radicale datant de la fin des années 1970 et du début des années 1980, un mouvement New-Yorkais connu sous le nom de W.A.P(women against pornography = les femmes contre la pornographie) qui avait pour but de démanteler tous les réseaux de prostitution de la ville de New-York. Des travailleuses du sexe étaient alors persécutées par ces femmes se désignant comme étant féministes. Cardi B originaire de la ville de New-York et ex stripteaseuse a voulu par cette chanson valoriser l’existence de toutes les femmes travaillant dans cette industrie.
Bien que l’intention soit bonne, on ne peut que constater, à la figuration de Kylie Jenner, une hiérarchie subtilement imposée. Nous avons Megan et Cardi objectivées de manière aphrodisiaque, tandis que Kylie marche pleine d’assurance en se contentant de regards charmeurs, ceci nous renvoit à une échelle de désirabilité bien définie qui élève la femme blanche au dessus des autres femmes et la rend plus “respectable” voire “admirable”…

"Si tu ne fais pas ce que je te demande, tu peux dire adieu à ta carrière ! Tu peux dire ce que tu veux, personne ne te croira."
Le 31 juillet 2020, la parution d’un documentaire intitulé On the Record (clique pour le voir) secouait la toile. Ce documentaire comporte des témoignages de femmes noires exposant la banalisation des viols et des agressions sexuelles dans l’industrie du Hip Hop. Les femmes noires artistes se retrouvent dans l’obligation de pratiquer des faveurs sexuelles à des personnes haut-placées qui les menacent de ne jamais voir leur carrière décoller et de détruire leur répution si elles n’exécutent pas leurs demandes perverses et humiliantes . Des femmes talentueuses qui se voient menacées par des hommes abusant de leur pouvoir pour imposer leur autorité et abreuver les femmes de leur domination de mal alpha…
Aucun homme ne veut être perçu comme un violeur alors qu’un bon nombre se comporte comme tel.

Ntumba Matunga
Fondatrice de Tétons Marrons
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