Skinny, grosses, grandes ou musclées, les femmes Afro & le body shaming

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Pour promouvoir son nouveau single, l’artiste Afro-Américaine Coi Leray a partagé sur ses différents réseaux sociaux, une vidéo d’elle dansant sensuellement sur son dernier morceau, habillée d’un bikini bleu sirène paré de strass et paillettes. Cette vidéo qui n’est pas passée inaperçue, a réussi à diviser la toile et à engendrer une grande animation. 

Une majorité des internautes laissaient entendre dans leurs interventions que le corps de Coi Leray n’était pas assez en chair pour une femme Afro. Cette dernière doit porter, de mon point de vue, une taille 32 ou une taille 34, une taille qui politiquement est acceptable selon les sociétés occidentales, mais reste étroitement rebutante selon certaines personnes issues des communautés Afro. 

Bien avant la démocratisation des fesses bombées dans le monde des femmes blanches, les Africaines et les Afrodescendantes louaient déjà un vrai culte aux rondeurs. Dans bon nombre de cultures Africaines, être une femme grosse est un signe d’opulence, c’est d’ailleurs pour cette raison que dans des pays tel que la Mauritanie, on retrouve des pratiques dangereuses de gavage pour engraisser les corps des fillettes que l’on ne perçoit uniquement comme étant de futures épouses supposées plaire à un mari. 

Être une femme noire originaire d’un territoire colonisé, c’est voir son physique systématiquement analysé et jugé selon des critères de désirabilité établis pour valider une demande masculine. Une femme blanche devra faire face à la pression des propagandes médiatiques qui entraînent une démarche obsessionnelle pour le ventre plat. Tandis qu’une femme noire, qui d’apparence est à l’opposé de l’image de la femme parfaite véhiculée par les médias eurocentristes, n’aura pas le privilège de ne penser qu’à son ventre. Fustigées dans le cadre étatique, communautaire et intime, la misogynoir monopolise l’opinion publique dans le but de créer des insécurités incurables aux femmes noires. 

Body shaming et misogynoir quel rapport ?

Bien que la notion de misogynoir ait été inventée par la chercheuse Afrodescendante Moya Bailey, il faut savoir que le concept même de la misogynoir a été inauguré, à une l’époque précoloniale, par des hommes blancs qui l’ont universalisé et répandu sur les 4 coins de la terre. De nos jours, on entend dire que la misogynoir est le duo qui lie la misogynie à la négrophobie, chose qui est vraie, mais pour mieux comprendre le rapport qui existe entre le body shaming sur les femmes noires et la misogynoir, je vais énumérer les facteurs qui interviennent dans l’assemblage de la misogynoir. 

Dès l’invasion blanche sur les territoires Africains, la déshumanisation devient l’un des premiers facteurs instaurés dans les mentalités, ce dernier n’avait d’autre but que de décomplexer l’esclavage et  déculpabiliser les tortionnaires partisans de ces pratiques. Par la déshumanisation il était convenable de penser que les personnes noires ne voyaient leur existence qu’à travers la soumission et la servitude qui permettait une objectivation de leurs corps. Dans son livre le ventre des femmes : Capitalisme racialisation féminisme, Françoise Verges parle de l’exploitation des corps des femmes noires forcées au travail et violées pour donner naissance à de nouveaux travailleurs esclaves. 

La masculinisation est un autre élément faisant également partie du procédé misogynoir. Nombreuses sont les personnes qui s’accordent à penser que la masculinisation des femmes Afro est le simple fait de mettre hommes et femmes noir-e-s sur le même pied d’égalité, or il ne s’agit pas de cela. Dans des sociétés phallocentriques, pour conserver la suprématie masculine blanche, il avait été convenu d’attribuer une “force virile aux femmes noires pour inférioriser les hommes noirs et pour que lorsqu’ils se retrouvent face aux femmes de leur communauté, ils n’aient pas le privilège de faire valoir leur virilité comme tout autre homme vivant dans une société patriarcale. 

La hargne est, de manière injustifiée, un trait de caractère que l’époque esclavagiste a associé aux Africaines et Afrodescendantes. La misogynoir a répandu l’idée que nous étions constamment en colère, enragées, et désagréables, et ceci sans tenir compte de la violence quotidienne que subissent les femmes noires… 

En suivant les facteurs précédents, l’hypersexualisation s’arrange pour dépeindre les femmes Afro comme des félines assoiffées de sexe. Une frénésie sexuelle, fantasme de l’imaginaire blanc qui pousse un grand nombre d’hommes blancs à énoncer des obscénités qu’ils ne parviennent pas à contrôler à cause de l’historique de la servitude sexuelle qu’ils rattachent aux femmes noires. 

Les femmes Afro perçues comme des corps utiles à exploiter uniquement, sont évincées du champ de désirabilité car la laideur a également été associée à la couleur de leur peau. 

Tous ces facteurs sont à ce jour utilisés pour minoriser l’existence des femmes Afro mais également pour mettre en usage le body shaming. Que l’on soit grosse, mince, pulpeuse, musclée ou maigre, les hommes de tous les horizons (noirs compris) trouveront toujours le moyen de nous trouver des défauts. Les personnes de mauvaise foi diront qu’il ne s’agit uniquement des goûts de chacun, alors que les femmes noires sont, bizarrement, toujours celles qu’il faut lapider publiquement pour cause de leur apparence. 

Le body shaming sur les femmes noires n’est pas anodin, ce concept fait partie intégrante de la misogynoir qui déshumanise, objective et masculinise les femmes noires tout en les plaçant en bas de l’échelle de désirabilité. Ces violences alimentent bon nombre de complexes et incitent les femmes Afro à passer au bloc opératoire pensant que ça les rendra plus acceptable et désirable aux yeux de la société… 

Il faut savoir que même lorsqu’une femme noire entre dans les critères de désirabilité, c’est à dire lorsqu’elle a une morphologie dite A (ventre plat, taille fine, hanches développées, grosses fesses et bonnet D), et que cette dernière osera porter un col roulé et un jean slim, on lui reprochera d’être provocatrice et vulgaire car les formes doivent être cachées sous des vêtements qui ne laissent pas transparaître une seule courbe. Peu importe ta morphologie si tu es noire et femme, ton corps sera toujours proie aux jugements ! 

À cause de la grossophobie systémique des sociétés Occidentales, les femmes grosses doivent faire face à un urbanisme anti-grosses, aux carences de productions textiles, aux discriminations à l’emploi, aux violences médicales, à une hypersexualisation, à une stigmatisation et à une culpabilisation constante. La misogynoir systémique inflige les mêmes discriminations à quelques violences près et le body shaming en fait partie… Malgré ces similitudes, une femme noire et grosse, vivant dans une société occidentale, aura toujours plus de difficultés à trouver sa place dans une société raciste, misogyne et grossophobe, qu’une femme noire et mince. 

Ntumba Matunga

Ntumba Matunga

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Tétons Marrons s’engage à être la première plateforme vers laquelle les femmes noires se tournent pour trouver une source d’informations qui est  à l’image de leur existence.

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