- Ntumba Matunga
- mars 23, 2022
Depuis la fin du mois de janvier, Joe Biden parade et enchaîne les conférences de presse, où l’on peut l’entendre se vanter de son jugement révolutionnaire. Biden a désigné Ketanji Brown Jackson, une femme Afro-Américaine, pour qu’elle siège en tant que juge assesseure à la cour suprême des Etats-Unis. Une chose reste à déterminer, est-ce par volonté de voir la société évoluer ou par pur tokénisme que Ketanji Brown Jackson se retrouve nominée pour un poste qui n’a jamais connu de femme noire auparavant ?
- définition : Le tokénisme est une pratique consistant à faire des efforts symboliques d’inclusion vis-à-vis de groupes minoritaires dans le but d’échapper aux accusations de discriminations.
La sphère politique et le tokénisme
j’envisage d’assurer qu’il y ait une femme noire en cour suprême pour que tout le monde puisse être représenté !”
Joe Biden
Ketanji Brown Jackson sera la première femme noire à siéger sous le blason de juge assesseure de la cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, et ce, grâce au président Américain Joe Biden. Lors de sa campagne électorale, Biden avait laissé entendre qu’il donnerait de la visibilité aux personnes noires dans les instances décisionnaires, cette promesse de campagne se voit aujourd’hui tenue et lui vaut le soutien d’un des élus à la chambre des représentants James Clyburn, un vétéran démocrate noir de Caroline du sud qui a une grande influence sur la communauté noire Américaine.

Selon le washington post, de 2003 à 2005, lorsque l’ancien président George W.Bush intercède pour que la juge Janice Rogers Brown devienne la première femme noire à siéger comme juge assesseure de la cour suprême des Etats-Unis, Biden, sans aucune raison apparente, menace d’émettre une obstruction parlementaire. Janice Rogers Brown était hautement qualifiée pour le poste, pendant 7 ans, avant sa nomination, elle avait siégé en tant qu’ associée de justice de la cour suprême de Californie. Brown était une sympathisante du parti conservateur, mais cela ne pouvait être un facteur rebutant pour Biden puisque la cour suprême des Etats-Unis compte, aujourd’hui encore, un plus grand nombre de juges assesseurs partisans du parti républicain.
Joe Biden ne voulait tout simplement pas voir une femme noire à la cour suprême des Etats-Unis en 2005, et il est donc évident que Biden utilise Ketanji Brown Jackson comme outil stratégique pour influencer un électorat majoriairement Afro à se joindre aux côtés de ses partisans.
Ce phénomène se veut très récurrent en politique, et les prises de paroles des personnalités issues des minorités, placées à des postes à hautes responsabilités par le biais du tokénisme, ne vont jamais à l’encontre de la pensée blanche. Cela peut s’expliquer par le simple fait que ces personnes éprouvent un sentiment de redevabilité à l’encontre des gouvernant-e-s qui ont permis leur ascension professionnelle. La sphère politique est gorgée de tokens, mais est-ce le seul milieu à faire usage de cette perfidie ?
Tokénisme dans le féminisme

Malheureusement le monde militant ne déroge pas à la règle et se prête au jeu de la manipulation et de la performance. En effet, à une ère où tout le monde veut s’enorgueillir d’être irréprochable en tous points, certaines féministes blanches, elles aussi, tentent de se placer en modèle d’exemplarité. Pour respecter une certaine éthique, l’inclusivité est de mise, et les collectif.ve.s se doivent de rassembler les diversités sous une seule et même emblème. Malheureusement cette méthodologie a la particularité de déclencher un ostracisme aigü qui censure les voix des personnes recrutées pour leur appartenance raciale et religieuse ou encore pour leur orientation sexuelle, voire même, leur motricité limitée.
Par ce biais, certaines féministes blanches intègrent à leur groupe militant, des membres trophés qu’elles exposent au devant de la scène, sans pour autant encourager leur interaction car, en opposition à leur prise de parole, c’est la silenciation qui leur est imposée. Ce n’est pas pour leur pensée idéologique que ces membres trophés sont acceptés dans les collectif.ve.s; leur recrutement n’est dû qu’aux facteurs d’identité physique ou morale portés depuis la naissance par ces membres trophés.
Généralement, les féministes, faisant usage de token, trahissent leur performance en un tour de main et se font repérer en un rien de temps. Il est facile de les désigner, car celles-ci ne portent que très peu d’intérêt à leurs co-militantes issues des minorités sociales, et elles ne commémorent que très rarement les dates importantes qui rappellent l’histoire des populations marginalisées. En plus de cela, ce genre de féministes ne prend pas la peine de sensibiliser sur les violences systémiques desquelles le privilège blanc les protège.
Ces collectif.ve.s peuvent être dangereux et anxiogène pour les personnes noires, les personnes racisées, les personnes LGBTQI+ et les personnes handicapées, car au sein de ces mouvement, les violences sont multiples. Les féministes blanches y perpétuent racisme, islamophobie, antisémitisme, transphobie, LGBTQI+phobie, et exercent leur pouvoir en alimentant la stigmatisation systématique des minorités, tout en accablant les “tokens” qui tentent de sortir de ce rôle de co-militante trophé.
Tokénisme = racisme ?
Peut-on dire que le tokénisme est un effort symbolique ? A-t-il un impact sociologique positif ? Malheureusement la réponse est non, car le tokénisme ne s’oppose pas au racisme structurel, bien au contraire, il tire profit des minorités et les subtilise comme caution afin d’anticiper un processus de défense face aux accusations de racisme, d’islamophobie, d’antisémitisme, de validisme, de LGBTQI+phobie, qui pourraient visées les personnes blanches en position de pouvoir. Les personnes noires, les personnes racisées, les personnes trans ou encore les personnes handicapées, sont instrumentalisées pour leur différence qui rehausse la crédibilité et la légitimité des personnes blanches qui les sollicitent. La société connaîtra une réelle avancée lorsque les personnes issues de la diversité seront recrutées pour leurs compétences, leur réflexion, ainsi que pour leur voix, et ce, sans qu’un quota ne limite le nombre de personnes admises.

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