Pourquoi les cheveux afro sont-ils si politiques ?

  • 19 septembre 2023
  • Ntumba Matunga

Les cheveux poussent naturellement sur le cuir chevelu d’un grand nombre de personnes. Cette matière morte que chacun coiffe à sa guise, n’est à l’origine pas politique. Mais, malheureusement, elle le devient lorsque la société en fait un sujet de discrimination en forçant la discretion ou la disparition complète des cheveux dits afros. Tout ce qui demande l’intervention des autorités politiques, est politique

Par exemple, aux États-Unis, une loi nommée The CROWN act a été adoptée suite aux discriminations à l’embauche, et aux règlements de nombreux établissements scolaires interdisant les coiffures de types locs, tresses, et afros puff, des enfants noirs. Le 26 janvier 2023, les Nations Unies publiaient une étude de the Halo Collective indiquant que, aux Royaumes-Unis, 59% des étudiant-e-s noir-e-s expérimentent des injures et des questions gênantes concernant leurs cheveux, et une personne adulte noire sur 4 a connue une mauvaise expérience scolaire à cause de sa texture de cheveux.

En France, le député Olivier Serva dépose une proposition de loi pour lutter contre toute forme de discriminations liées à la texture, la longueur, la couleur et la coupe de cheveux. Les cheveux afro, systématiquement stigmatisés, sont rejetés de l’espace public, mais pas que ! Si longtemps les femmes noires ont pensé qu’avoir de longs cheveux les dispensait du mépris les dépossédant de leur féminité, à de multiple reprises, on a pu voir, que même lorsqu’ils sont longs, les cheveux afro, exposés sur le web, peuvent être cause de cyberharcèlement engendrant moqueries, injures, et déshumanisation.

Depuis ce mois de septembre 2023, l’Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC) annonce que cinq centres de formation délivreront, pour la première fois, un certificat reconnu par l’Etat français validant la maîtrise du coiffage des cheveux afros. Cette annonce de l’apprentissage du cheveu afro dans les écoles de coiffure est le fruit de la lutte de Aude Livoreil-Djampou, docteure en chimie, coiffeuse et fondatrice des salons Studio Ana’e. En 2015, la professionnelle de la coiffure dénonçait au Ministère de l’Éducation Nationale le manque de formation concernant le coiffage et le soin des cheveux bouclés, frisés, et crépus. 

Jusqu’à la fin des années 2010, il était également impossible de trouver des produits capillaires répondant aux besoins des cheveux afro dans les grandes chaînes de magasins. À cause de cela, un grand nombre de personnes afro se dirigeaient vers des commerces de produits dits exotiques pour se fournir en produits défrisants. Le député Olivier Serva soutient l’importance de cette annonce de certificat capillaire en disant : “C’est un problème sanitaire. Trois fois plus de femmes qui utilisent des produits pour se défriser les cheveux ont des cancers de l’utérus ou des fibromes. C’est un problème économique aussi. Ça coûte extrêmement cher quand on veut utiliser des produits plus naturels. C’est enfin un problème d’estime de soi.”. 

Le mouvement cheveux naturels

À la fin des années 2000, des femmes noires multiplient leur présence digitale pour éduquer leurs communautés sur les thématiques reliées aux cheveux afro. Dans les pionnières on compte Blackbeautybag, Milca les curls, Titi’s curls, Mamy Laure, Tia Essiane, pour ne citer qu’elles.

Le mouvement naturel apprend aux personnes noires à s’affirmer avec leurs cheveux afro et casse les codes de respectabilité qui laissent penser qu’avoir les cheveux lisses revient à être soigné, présentable, ou encore, la preuve que l’on prend soin de soi, tandis que les cheveux afro, à cause du texturisme, représente tout l’inverse. Pour rappel, le texturisme est le concept qui classifie les différentes textures de cheveux en fonction des critères de beauté eurocentristes. Les cheveux lisses sont donc classés premiers, ensuite se positionnent les cheveux ondulés, suivis des cheveux bouclés, et en fin de série, se retrouvent les cheveux frisés de type 4.

Malgré l’essor du mouvement naturel, les cheveux lisses restent encore surreprésentés dans les communautés africaines et afrodescendantes, car les cheveux des personnes noires sont perçus comme une entorse politique. 

Ntumba Matunga

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